• se rafraîchir les idées veut dire s'aérer l'esprit.

La fraîcheur du cocktail, avec de la menthe et de la glace pilée, fait écho à l'expression se rafraîchir les idées.

La nostalgie du morceau s'exprime vraiment dans ce couplet. Contrairement au premier, qui était une simple description de l'adolescence, celui-ci est plus rétrospectif, comme un regard en arrière. Anton prend de la distance, s'ancrant plus dans le présent.

Mon école buissonière fait parfaitement charnière entre la petite météorite dans l'espace vert qu'est le shit, et les cours de musique sans prof' sur beatbox, qui ne sont autres que les balbutiements d'Anton et ses potes dans le milieu du rap.

L'idée est toujours de se libérer du quotidien aliénant.

Deux univers se dégagent de ce couplet :

• La ville, dépeinte comme un carcan sans intérêt, plutôt oppressant. Elle symbolise le quotidien, la monotonie : asphalte, béton, graviers (on peut y ajouter gardav' et voisinage qu'on exaspère pour l'aspect pas accueillant).

• La nature, qui fait office de ligne de fuite. Elle symbolise l'échappement à ce milieu rigide, l'alternative polymorphe. Elle regroupe le fait de traîner avec les potes dans les parcs à refaire le monde, les psychotropes, la création musicale : jardins, océan des blagues, arbre, érable, écorce, le shit, petite météorite dans l'espace vert, l'école buissonnière.

S'en dégage un besoin d'évasion très fort, caractéristique de l'âge adolescent.

Jeu de mots entre être et hêtre (l'arbre).

Le peu de verdure est important pour supporter le milieu urbain. Ça explique sans doute le choix des parcs comme lieux de rendez-vous avec les potes.

On peut peut-être y voir une métaphore du graffiti, présenté comme un moyen d'évasion : les arbres étant des murs et le nom du crew gravé à l'Opinel un graff' peint à la bombe. Pour rappel, Anton (a.k.a. K-A-S-H) était (et est toujours ?) membre d'un crew de graffiti, le SOK (Silence On Kartonne).

Gardav' : garde à vue (maintien à disposition, sous contrainte, d'une personne soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction, par les forces de police ou de gendarmerie dans le cadre d'une enquête judiciaire)

Conséquence de la tendance à l'augmentation de la répression policière : le moindre fumeur en possession d'un bout de shit est fréquemment traité comme un dangereux délinquant.

C'est aussi l'âge où on fait toutes sortes de conneries…

À la manière anodine dont Anton en parle (bonne nuit chez soi et gardav' sont placées sur le même plan, simplement coordonnées par le ou), il semblerait que ces nuits en cellule aient été courantes.

Pourquoi devrais-je regarder la télé ? Est-ce qu'elle me regarde, elle ?
Klub des Loosers – Baise Les Gens

Vîrus semble répondre à cette question, pourtant rhétorique, par l'affirmative, montrant une fois de plus son côté marginal.

On a l'image d'un gamin qui grandit seul, livré à lui-même, éduqué par la télévision : les prémices du manque d'épanouissement social de Vîrus. Il cherchait sans doute chez les employés du milieu télévisuel un peu d'affection humaine, ou au moins de l'attention (faute d'en trouver ailleurs, cf. plus loin : où est-ce qu'ils ont pu oublier la poussette), au point de se l'imaginer.

Cela dit, il a appris à cacher ce mal-être, à faire semblant d'être normal et même sûr de lui, il semble à l'aise puisqu'il rappe (même s'il fait dans l'egotrip de dépressif). Cela n'est qu'une façade, qui s'écroule dès qu'on prête attention à ses textes.

Deux aspects de ces soirées :

• La défonce, bien entendu : fumer des joints de shit, exacerber sa créativité jusqu'à se donner des surnoms d'animaux (référence à la genèse du crew l'Animalerie ?)

• Le partage dans le dénuement (thématique plusieurs fois abordée par Anton, voir son couplet sur Testament et surtout son morceau Sous Curatelle) : malgré le nombre de fumeurs (dix), les joints tournent beaucoup (imitant l'tourniquet), tout comme l'unique briquet de la bande. On sent le caractère social de la chose.

  Pour ceux […] qui rêvent assis, fument sur un joint à six ou partagent un micro à six
  Booba – 100-8 Zoo (Feat. Malekal Morte & Sir Doum’s)

Phrase efficace qui évoque plusieurs choses caractérisant cette période de la vie d'Anton :

• Premièrement la musique avec le baladeur dans les oreilles. D'ailleurs, le mot est un peu désuet maintenant, ce qui renforce l'atmosphère nostalgique créée.

• Mais aussi l'idée de chiller dans les lieux publics, squatter les jardins, faute d'avoir un endroit où se retrouver avec ses potes (Anton parle plus loin des nuits passées assis avec ses potes sur des bancs dans des squares). C'est souvent le cas à cet âge où tout le monde habite chez ses parents, l'offre des municipalités pour la jeunesse étant très souvent limitée, voire inexistante. On peut aussi voir dans l'expression tout seuls utilisée plus haut un reflet de cet état de fait.